76 kilos

Parce que j’ai bien remarqué et vous aussi : à partir de 70 kilos on ne dit plus trop son poids.

image_author_Charlotte_Moreau
Par Charlotte Moreau
12 nov. · 4 mn à lire
Partager cet article :

76 KILOS - Mon corps sur les photos - Chapitre 2

Qu’est-ce qui se passe quand tu t’es photographiée pendant une décennie sous toutes les coutures et toujours les meilleures. Quand l’histoire de ton corps est devenue ton histoire tout court. Quand les photos ont été ton discours, tes alliées, quand tu as façonné cette version de toi dans l’oeil des autres mais aussi dans le tien.

Et que tout ceci, un jour, se fissure. 

Il n’y aura pas de signe avant-coureur, rien pour t’y préparer. Tu es encore jeune, tu penses que tu as le temps. C’est une vérité qui se glissera en toi lentement. Au fil des mois, des kilos et des clichés pris par d’autres, ces clichés où ton image surgit comme un malentendu. 

Tu ne sais pas quoi en penser, tant mieux tant pis c’est comme ça c’est la vie ? T’en foutre, tu essaies et ça sonne faux. Le cul entre deux chaises et entre deux corps, entre hier et aujourd’hui, entre accepter et agir. Quoi que tu choisisses, c’est te trahir un peu.

Tu n’es pas la femme que tu avais prévu d’être, ça c’est certain. 
Tu ne sais pas combien elle pèse mais tu sais à quoi ce poids ressemble : bien sur toutes les photos et sous tous les angles, toutes les lumières, dans toutes les mains, quelle que soit la personne qui appuie sur le déclencheur.

C’est effarant d’écrire un truc pareil, la vanité monstrueuse que ça suppose chez toi, la déconnexion avec ton corps aussi. Tu reformules plusieurs fois pour que ça sonne un peu moins dingue. Tu dis tu au lieu de dire je. Ça sonne toujours aussi dingue.

Alors je reviens au je. Et au moment d’illustrer ce chapitre 2. Bien sûr que quand on écrit sur son poids, il y a très vite la question des photos. Est-ce que je vais, comme tant de filles savent le faire avec panache sur Instagram, immortaliser mes bourrelets, servir brioche et peau d’orange ? Est-ce que je dois le faire parce que c’est trop facile sinon, parler de son poids sans jamais rien montrer ? 

Chaque mois j’y pense, et chaque mois je diffère. Comme s’il fallait d’abord creuser, comprendre, et pour comprendre, se souvenir. 

Mon poids a fait très tôt partie de la légende familiale.

...