Je découvre ce mot et j’y suis chez moi. « Midsize », ni mince ni grosse. Ni normale d’ailleurs, puisque normale c’est mince.
Évidemment ce n’est pas un mot français puisqu’en France on évite de dire ces corps-là, qui emmerdent un peu.
En France t’es mince ou t’es ronde point barre, entre les deux y’a rien.
Je le réalise à l’hiver 2023, quand sur TikTok je découvre cet entredeux et qu’il a un nom. Midsize. Il y avait donc un mot, la possibilité d’un mot, que des filles bien plus jeunes que moi énoncent comme une évidence. Affichant ces ventres et ces bras que moi je planque encore. Y associant un mot qui, pour la première fois, ne voudrait dire ni ronde ni grosse.
Midsize et l’exploit du langage.
Le mot qui vous voit, vous entend et vous nomme.
Le mot qui vous donne de quoi vous définir, de quoi appartenir.
Le mot qui aurait pu tout résoudre et qui pourtant, très vite, va interroger votre légitimité à l’employer.
Au début tout va bien.
J’ai envie d’écrire midsize partout, même sur ma bio Instagram, cet endroit où les gens cool se pitchent en trois mots et où moi j’en dis toujours trop, déroulant le titre de mes livres in extenso (quel auteur fait ça ?)
Midsize, j’ai envie de l’écrire, de dire que j’en suis. Et puis évidemment, à la réflexion, je ne l’écris pas.
Parce que je suis Française.
Parce qu’ici on a toujours un peu honte, on ne sait pas comment être un corps en même temps qu’un cerveau. Le second a droit à la parole mais pas le premier.
Parce qu’un corps est pris tôt ou tard en défaut, dès lors qu’il appartient à une femme.
Je n’écris pas le mot mais il m’obsède. Évidemment l’algorithme le sait, qui me bombarde chaque jour un peu plus. De Rita, de Chloé, d’Alexandria, de Rosie, de Dahana. J’apprends les noms et les contours de ces midsize girls, leur manière de prendre la lumière et l’espace, leur chair qui contrairement à la mienne ne semble jamais craindre le mauvais profil.
Est-ce qu’à défaut d’en être une, je peux raconter ces filles-là ?
Derrière la saine distance de la journaliste ?
Là je serais confort, là je garderais mon cerveau et ma superbe. Abritée derrière les autres pour parler de moi sans prendre une balle perdue.
« Parce que nous sommes des midsize girls, les gens ne sont jamais d’accord sur la taille qu’on fait », fredonne la TikTokeuse anglaise Alexandria dans une de ses vidéos. J’en ai la confirmation dès que j’essaie de vendre mon sujet, là où j’écris.
Je propose en titre de travail « l’avènement des midsize girls ». Et tout de suite, ça coince.
Personne ne s’entend sur ce que midsize veut dire et concerne. Où ça commence, où ça s’arrête. Au 42, au 44 ?
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