76 kilos - La diète - Chapitre 11

« Ici une patiente sur trois est en pleurs. Et pourquoi certaines pleurent ? Parce que leurs maris les trouvent « grosses et moches ». Ou les ont trompées parce qu’elles ont pris du poids. Et moi, je me prends les réflexions qu’elles devraient faire à leurs maris. »

76 kilos
5 min ⋅ 31/07/2025

Troisième rendez-vous chez la diététicienne. « La diète », puisque c’est ainsi qu’Appelons-la Claire Martin désigne sa corporation. 

Si je me demandais ce que ressentent ces femmes - si souvent des femmes - à qui d’autres femmes viennent cracher leur souffrance pondérale, voilà un début de réponse.

L’heure est propice aux confidences.
Claire Martin part en congé mat à la fin de la semaine, le planning se vide, on parle une heure. 

« Ces patientes-là viennent à contrecoeur. 
Mangent en cachette chez elles pour avoir moins de remarques. 
Deviennent aigries par rapport à la nourriture. 
Et c’est compliqué de les suivre. 
Parce que si vous n’allez pas dans leur sens, elles ne sont pas contentes et ne reviennent pas. »

Il y a aussi celles qui lui envoient des photos depuis le supermarché pour vérifier quel paquet de biscottes acheter.
Ou celles qui dorment toute la journée, qui ont tout lâché sauf le sucre et ce rendez-vous.
Revenant tous les quinze jours sans avoir perdu un gramme.

Forcément à côté, j’ai le beau rôle. 
Moi qui ne pleure pas, qui n’ai pas de mari me trouvant grosse et moche ou me trompant à cause de mon poids, moi qui me lève le matin, qui n’envoie aucun message entre les séances.

Moi qui ai toujours vu leur métier comme facile, tranquille, bien payé à énoncer des évidences et à peser des gens en slip.

D’ailleurs j’aimerais autant qu’on commence par là maintenant.
Plus besoin de me faire parler avant de me déshabiller, allez hop à poil, je suis en mission, prête à tomber le bas sans préliminaires.

Je n’attends pas un chiffre que je connais déjà, je sais mon poids.
Évidemment que je ne respecte pas la consigne balance-une-fois-par-semaine-pas-plus. 
Évidemment que je me pèse tous les matins comme une tarée.
Évidemment que le jour de la consultation, j’y vais sans soutif, sans bijou, avec le t-shirt le plus fin possible et jamais trop tôt, il faut que mes 60000 espressos matinaux fassent leur effet laxatif.

Ce que j’attends, c’est le chiffre dans le chiffre, les stats de l’impédancemètre, cette balance qui vous dépèce.

...

76 kilos

76 kilos

Par Charlotte Moreau

Journaliste pop culture, mode et société aux rédactions du ELLE.
Sur Kessel, auteur de "76 kilos”, Glory Box et du Debrief.
En librairies : Il était une fois les pompiers (Marabout) Le Dressing Code (Leduc) Antiguide de la mode (J'ai Lu)
Masterclasses et ateliers d'écriture (non-fiction) sur www.balibulle.com

Les derniers articles publiés